Le gorille a mordu l’archevêque by Antoine Dominique

Le gorille a mordu l’archevêque by Antoine Dominique

Auteur:Antoine Dominique [Dominique, Antoine]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier, Littérature française, Espionnage
Éditeur: Gallimard - Série Noire
Publié: 1960-02-01T01:00:00+00:00


X

Revenu à Paris, le secrétaire général de l’Union commerciale de la Communauté était descendu au grand hôtel des Sept Colonnes.

Assis près du grand balcon, depuis ses appartements, il avait sous les yeux l’imposante perspective du Champ-de-Mars et de l’École militaire. En revanche, une âcre odeur de bile lui emplissait la bouche, pendant qu’un creux au ventre se nichait dans son obésité (!).

Il vit le chauffeur tenir la porte du visiteur qu’il attendait.

Me Pierre, l’ami et le conseiller technique du secrétaire général, entrouvrit la porte de l’appartement et jeta :

— Monsieur le Secrétaire général, votre visiteur arrive.

— Je vois…

Et le gros homme émit un soupir déchirant !

Lorsque Lehurit entra, le secrétaire général fut soudainement rassuré. Lehurit ne pouvait être un prévaricateur. On aurait plutôt dit un roi d’Angleterre ! Tout ce cirque n’était donc qu’une méchante affaire d’imagination déréglée…

Le secrétaire général s’inclina :

— Monsieur Lehurit, si vous voulez prendre place.

Lui-même s’installa dans le fauteuil voisin de celui de Lehurit.

Lehurit avait un maintien qui lui permettait de rester imposant même dans un fauteuil crapaud. En revanche, le secrétaire général s’était affaissé, ébousé dans l’ustensile, dont il épousait concentriquement les formes.

Lehurit engagea :

— Vous avez bien voulu recevoir mon associé, Souabe, lors de votre récent périple en Afrique…

Les yeux intelligents et bons, dans le visage ascétique et beau de Lehurit, s’immobilisèrent. Il tenait ses mains appuyées l’une contre l’autre, par le bout des doigts, dans le geste du prélat, dont il avait en outre la bague… Ses armes gravées dans une pierre dure.

Il observait le visage rond, rose et suant de son vis-à-vis, le secrétaire général, dont les yeux mobiles sautaient comme des petits oiseaux affolés : du fauteuil au plafond, des lambris à la cravate de Lehurit ! Ce dernier pensait : « Le gros homme a la fausse pudeur de l’argent. C’est un médiocre ! »

Le secrétaire général se disait, lui : « Je comprends pourquoi en langage convenu, les barbouses l’appellent l’Archevêque… « Cardinal » eût été encore mieux approprié. »

Lehurit pensa : « Ses yeux vont se mettre à piailler. » Alors ses propres yeux gris fer s’adoucirent encore. Il jeta :

— L’argent n’est pas une chose sainte. C’est un produit de consommation multivalent, uniquement…

L’autre eut un faible sourire et la sueur se mit à ruisseler sur son front.

— C’est bien, fit Lehurit, olympien, n’abordons pas ces questions trop directes…

Le secrétaire général parvint alors à respirer, avant de lâcher :

— Puisque nous avons pris contact, si vous le voulez bien, monsieur, mon conseiller technique, Me Pierre, pourrait examiner les… formalités avec vous ?

Lehurit releva un peu son visage hermétique. Aussitôt le secrétaire général enchaîna, tumultueusement gêné :

— Hum… Me Pierre est un garçon de confiance… de confiance absolue… C’est un autre moi-même…

— Très bien, coupa froidement Lehurit, j’enverrai donc mon propre secrétaire au vôtre.

— Mais, bredouilla le gros homme, je ne voulais pas… je ne voulais pas… vous… désobliger…

— Monsieur, fit Lehurit en se levant, je suis venu expressément vous voir, pour vous donner, en quelque sorte, ma garantie



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